En parler ou ne pas en parler ?
Apparemment rien de prévu en classe.
J’en parle avec mon partenaire; il ne sait pas trop; il hésite; il pense qu’il ne dira rien parce qu’il sent que les enfants ne sont pas empathiques.
Je ne sais pas trop quoi faire et puis je me dis que l’empathie s’apprend aussi. Nous connaissons tous des gens capables d’empathie; certains d’entre eux ne comprendrait même pas le mot, ne saurait pas que cette notion existe et pourtant en seraient tout à fait capables.
Alors pourquoi des enfants de 12 ans ne seraient pas capables d’apprendre cela, d’autant que je sais par expérience professionnelle que les enfants de cet âge sont capables de le comprendre; de le mettre en oeuvre peut-être pas toujours, mais de le comprendre oui.
Ils sont même capables de faire la différence entre éprouver de la pitié et éprouver de la compassion; pour moi, la pitié, c’est quand je regarde l’autre dans une situation très « inconfortable », et que je me vois en lui, et que celui que je plains, c’est moi-même si j’étais à sa place.
La compassion en revanche, c’est quand je regarde vraiment l’autre dans sa grande misère et pas moi-même.
Éprouver l’une plutôt que l’autre n’empêche pas d’agir; cependant la perspective n’est vraiment pas la même. Pour moi.
Alors trêve d’atermoiements; allons-y.
J’ai dessiné 2 rectangles semblables debout à côté de la date du jour. Je leur demande s’ils connaissent cette date. Pour certains elle n’évoque rien. Mais beaucoup savent.
Les tours jumelles. New York. 11 septembre 2001.
Il y a déjà 16 ans. Ça les étonne que je sache, que ça m’intéresse. Je leur réponds que c’est étonnant qu’eux aussi sachent alors qu’ils n’étaient pas nés quand c’est arrivé. Ça doit être important pour qu’il en soit ainsi.
En fait, je leur dis que c’est plus qu’important: c’est historique. Le monde n’a plus jamais été le même depuis: des guerres ont suivi, des attentats ont suivi. de ce jour là, le monde a changé. Le monde entier a été touché ce jour-là.
Ils savent.
Ils savent les faits. Bruts.
Quand je leur demande si c’était une bonne idée pour les terroristes de frapper là, beaucoup ne savent pas; certains disent oui. Mais leurs explications sont techniques : ça a fait plus de dégâts, plus de victimes parce qu’il y avait deux tours.
Quand je leur demande si les terroristes auraient pu frapper Salt Lake City et ses grandes tours, Chicago ou Los Angeles, ils me répondent que non mais ils ne savent pas expliquer pourquoi. Ils le sentent mais ils ne peuvent le mettre en mots.
Et puis enfin, l’un d’entre eux dit : ces tours c’était comme un monument; ils ont frappé un monument.
Et ça commence à s’éclairer. Aucun ne prononcera le mot symbole mais ils ont compris.
Nous pensons enfin aux 3500 victimes, à leurs familles, aux pompiers. C’est bref. Mais intense.
Pitié ou empathie ? je ne sais pas. Je ne saurai jamais. Mais la graine est semée. J’ai fait mon job. J’en prendrai soin de cette graine mais elle a sa part de responsabilité aussi.
Partout ici les drapeaux sont en berne, les « memorials » sont fleuris, ornés de drapeaux.
Il ne faut pas oublier.
Ni ici.
Ni ailleurs.
Quand je demande qui, dans ses proches, a quelqu’un dans l’armée, la moitié des mains se lève. Ca aide à ne pas oublier.
Sujet philosophique et historique si proche dans le temps. Et pourtant si éloigné pour certain de ces enfants. Bravo.
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très bonne initiative Papa
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