A écrire tous ces articles sur nos visites, nos rencontres, on pourrait croire que nous sommes en vacances.
Euh… pas vraiment.
Nous travaillons.
Beaucoup.
Tellement de choses différentes.
Ici par exemple, ce sont les rois des sigles. En France c’est pas mal, mais pour le coup, ce sont les rois. Et ça complique les choses.
Et la classe ?
Pas toujours simple ! Et pour tout dire, pas simple du tout. Je ne vais pas entrer dans les détails de tout mais enseigner en français à des petits de 11 ou 12 ans…
Et encore, pour moi, c’est plus simple que pour Linda : les 1er grades (CP) découvrent tout à la fois : l’école, les maths, la lecture, le tout en français. Mais ils sont solides. Elle en parlera elle-même.
Alors quid de la différence ? Je veux parler pour le coup uniquement de la différence de niveau.
Certains enfants de ma classe sont plutôt fluides en français; c’est leur 6ème année à faire du français pendant la moitié des heures de classe. Oui mais d’autres bafouillent à peine quelques mots et c’est leur 6ème année à faire du français pendant la moitié des heures de classe.
Ouh La La !
Ici, on ne laisse tomber personne; et c’est super ! Dans ce programme d’immersion, si l’élève souhaite y rester, si c’est le souhait de sa famille, on ne les contredit pas.
Après tout c’est à l’enseignant de faire ce qu’il faut pour que l’enfant ait son compte.
Et c’est là que les problèmes commencent.
Il est vraisemblable que certains enfants, dès le 1er grade, n’accrochent pas vraiment avec le français, voire même décrochent. Ce problème va sans doute aller croissant jusqu’en 6ème grade; ce qui expliquerait les différences de niveau si importantes entre enfants.
Je pense que ces enfants ont été suffisamment malins toutes ces années pour ne pas attirer trop l’attention, qu’ils ont été suffisamment discrets pour qu’on ne les ennuie pas trop.
Dans ce métier, évidemment, on apprécie les enfants qui renvoient ce qu’on attend d’eux.
C’est humain. Alors les enfants en difficulté discrets, ça arrange bien tout le monde: les enfants eux-mêmes parce qu’ils y gagnent en tranquillité. L’enseignant, parce qu’il semble que l’enfant ne soit pas malheureux. Autre chose, la tentation du rejet : celui qui ne rentre pas dans les clous, qui ne renvoie pas ce qu’il faut, on le met à part.
Je sais que c’est ce que je suis en train de vivre; avec quelques élèves; souvent absents; qui ne travaillent visiblement pas; qui ne répondent pas à mes propositions de travail. Je sais que je suis en train de les mettre à distance. Ce n’est pas un jugement, ni une critique; c’est simplement un constat de notre humanité et de celle des enfants.
J’ai depuis longtemps tenté de tenir compte de ces écueils, mais me voilà dans une situation inédite, avec plein de nouvelles choses à inventer et souvent un peu démuni.
Ma bonne volonté, ma générosité ne suffit pas.
J’ai des élèves qui se débrouillent très bien, et donc qui me rassurent. Et d’autres vraiment à la peine et dont certains ne font rien, ni en classe, ni à la maison. Et évidemment, ça me met en insécurité.
Ouh ouh ouh !!! Que faire ?
Aujourd’hui, contrôle : des mots à apprendre; 15
1 minute 30 pour certains et des listes incomplètes voir même vides pour l’un d’entre eux.
Et là, j’ai une idée de génie : demander de l’aide à ceux qui sont à l’aise pour me prêter main forte; sitôt pensé, sitôt fait. Je leur demande de mimer les mots manquants pour ceux qui sont à la peine, voire même de donner ces mots mais pas de les écrire à la place des autres. Difficile d’aider quelqu’un sans faire à sa place.
Et voilà ceux à qui il manquait 2, 6, 10 mots en possession de leurs 15 mots.
J’ai même une surprise : l’élève qui me posait le plus de problème de comportement en début d’année a complété les 6 mots qu’il avait écrits au début; son aide vient me dire qu’il a envie d’en écrire plus. OK ! Il en aura écrit 17 au total.
Quelle victoire ! Je suis fier de lui et de moi-même.
Je raconte ça à Linda ce soir, et… et… subitement, je me rends compte que cette chance, cette aide que j’ai proposée à 5 élèves, je ne l’ai pas proposée aux 2 élèves qui n’avaient rien écrit ou presque. Je ne leur ai pas offert la chance de sauver la mise; de tous, c’étaient eux qui en avaient peut-être le plus besoin ET JE NE L’AI PAS FAIT.
PENDANT QUE JE SAVOURAIS MA VICTOIRE, JE LES ABANDONNAIS !!!
Et je sais pourquoi : ils ne répondent pas assez à ce que j’attends d’eux; je n’ai pas décidé de les abandonner; à force de ne pas accéder à mes offres, ils sont devenus transparents, peut-être même insupportables, PARCE QUE LEUR ECHEC … ME … TIENT EN ECHEC.
Je sais que dès demain je devrais redresser la barre avec eux, leur redonner une chance; qu’ils saisiront, ou pas. En tout cas, je devrais faire ma part du job.
Quoi qu’il en soit, même si cette erreur est humaine, je devrais sortir de mon humanité et de mes limites pour basculer dans mon professionnalisme. Pas d’alternative.
Pas fastoche d’être enseignant !!!
Bravo Alain, bravo Linda. Je suis votre blog au rythme de vos articles- et c’est vrai je me suis demandée si vous étiez en vacances car votre blog est très à jour ;-)- Faudra se faire un skype un de ces quatre!
Bises
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Alain quand tu reviens tu peux postuler pour un emploi d’enseignant spécialisé!!!
Tout ke temps dans la recherche d’un mieux être et un mieux apprendre pour chacun !!!….
Tu ne vas plus pouvoir raccrocher la blouse!!!!
Merci de nous faire suivre votre aventure C’est intéressant, beau, on apprend plein de choses et surtout on partage vos sensations et vos émotions.
MERCI .C’est sympa !
Bises à vous deux
Danielle
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Bon pas de flagellation non plus..ne te mets pas trop la pression pour être un prof « parfait « …tu leur donnes déjà beaucoup et tu n’es pas le seul à t’occuper d’eux
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