On peut conduire un cheval jusqu’à l’eau, mais on ne peut pas le forcer à boire

Les américains ont, ou avaient, les mêmes expressions que nous.

Nous aurions plutôt dit « On ne peut forcer à boire un âne qui n’a pas soif. » Cependant, l’expression américaine est intéressante d’un point de vue linguistique.

« You can lead a horse to water, but you can’t make him drink. »

« Water » ici, pourrait signifier « l’eau, mais aussi pourrait être le verbe « to water » qu’on traduirait par abreuver.

Mais surtout, l’expression utilise « him » et non pas « it ». « It » voudrait dire n’importe quel cheval, auquel on n’attache aucune importance. Tandis que « him » désigne non seulement un mâle mais surtout, un animal qui fait partie de la famille, pour ainsi dire. Logique dans ce pays; le cheval devait être un bien particulièrement précieux et les voleurs de chevaux n’étaient pas rares.

 

Cependant, mon propos n’est pas la linguistique. cette expression m’est revenue en me cognant au problème que me posent certains de mes élèves.

Certains d’entre eux n’ont pas soif.

Et c’est là que le « him » de l’expression prend toute sa saveur. Ces élèves ne peuvent pas être n’importe quels élèves; il me faut les considérer comme faisant partie de la famille de la classe. Je ne peux pas les exclure. Pour être honnête, ce n’est pas toujours l’envie qui manque, comme celle de les laisser tomber. Oui mais je ne peux pas.

Ils n’ont pas soif… Je m’obstine à croire que c’est pour l’instant. Et dans le même temps, je me doute que cette inappétence ne date pas d’aujourd’hui.

Le système éducatif que nous rencontrons a ses points forts et « d’autres points » : l’un des points forts, très affirmé, c’est qu’on ne laisse tomber personne. Un élève, dont nous dirions en France, qu’il n’est pas à sa place, peut rester dans la structure et dans la filière que sa famille a choisie.

Ca ne se discute pas. Aux enseignants et à l’institution de faire ce qu’il faut pour que ça aille mieux.

D’une certaine façon, c’est mieux; ça évite de perdre du temps en jérémiades; la seule chose qu’on peut et qu’on doit faire, c’est s’occuper de cet élève.

 

Nous enseignons dans un secteur pas vraiment hors classe, mais protégé. Néanmoins, j’ai quelques élèves comme ça. J’ai beau me démener, différencier, proposer mon aide, celle d’autres élèves, faire le clown, positiver, féliciter, tempêter même, avec une paire d’entre eux, rien n’y fait.

Ce qui me rassure, c’est que quelques autres, jusqu’à lors dans le même cas, semblent démarrer. Ouf ! Même si ce n’est pas gagné.

 

L’écart avec les autres est monumental. Je les soupçonne d’avoir pris l’habitude de se mettre en retrait depuis le 1er grade et de se faire oublier. De plus, ici, on ne gronde pas un enfant, on se débrouille toujours pour positiver.

Je ne suis pas certain que gronder un enfant donne de fabuleux résultats, mais ne jamais le confronter à la réalité en positivant en permanence peut sans doute avoir des effets pervers.

Quant aux familles, c’est un peu pareil : personne n’a envie d’entendre que son enfant éprouve des difficultés; c’est vrai n’importe où dans le monde; mais ici c’est hors de question et comme tout bascule très vite dans l’affectif, les parents pourraient vite penser que nous n’aimons pas leur enfant et que c’est foutu pour l’année.

 

Oui, mais moi je fais quoi ?

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Les enseignants ouvrent la porte mais chacun doit entrer de lui-même.

Ben vouais, mais quand quelqu’un n’a pas envie d’entrer…

 

Et ben j’en suis là. Pas envie de jeter l’éponge, mais quand même bien démuni le garçon.

Seule solution, continuer à discuter, à échanger avec mon merveilleux partenaire américain avec qui je partage les mêmes élèves. Faire confiance à sa connaissance des habitudes locales. Et sans doute faire confiance au temps qui provoquera peut-être l’étincelle nécessaire. Ou pas.

Comme enseignant, je suis tenu à essayer, encore et encore. Je ne suis pas tenu à la magie.

 

Je dois convenir que parfois, j’en ai un peu assez de ces beaux proverbes franco-américain. Et celui qui suit, totalement américain pour le coup, pourrait, lors de certains moments de lassitude, être bien tentant.

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Les seules choses nécessaires pour être heureux, c’est un bon fusil, un bon cheval et une bonne épouse…

Il avait peut-être été enseignant ce Daniel Boone…

 

Un commentaire sur “On peut conduire un cheval jusqu’à l’eau, mais on ne peut pas le forcer à boire

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