Utah, le pays rêvé ?

Un sujet grave : la dépression et surtout le suicide.

Un taux anormalement haut en Utah : 24,5 personnes sur 100 000 contre 15,7 personnes sur 100 000 en moyenne aux USA. (à titre de comparaison ltaux de suicide pour 100.000 habitants était de 18,5 au Japon en 2015 (contre 24,2 dix an plus tôt), de 15,1 en France, de 13,4 aux Etats-Unis, de 7,5 en Grande-Bretagne ou encore de 7,2 en Italie, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS).Jul 25, 2017)

Avec aux USA mais comme partout ailleurs, une majorité de garçons ou d’hommes 36,9 contre 12,1 pour les filles ou les femmes.

En 2013, 25,7 % des étudiants de High School se sentaient tristes ou sans espoir, 15,5 % d’entre eux pensaient sérieusement au suicide, 12,8 % avaient déjà un plan pour passer à l’acte, 7,3 % avaient déjà fait un tentative.

Les rapports de l’Utah que j’ai lus semblent indiquer que beaucoup de victimes consommaient de la drogue et avaient eu affaire aux services de sécurité ou de justice.

Ils concluent que les jeunes, avec des charges religieuses ou des activités régulières et participant régulièrement à un repas familial pris en commun, avaient plus de chance d’échapper à ce fléau.

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Des collègues nous ont plutôt dit qu’ici, comme dans certains pays du monde, la pression et les attentes étaient extrêmement fortes sur les jeunes, qu’ils étaient victimes d’ostracisme quand ils étaient différents, notamment pour homosexualité, qu’ils pouvaient être exclus de leur communauté.

Pourquoi parler de ça ?

Parce que nous sommes enseignants. Et que nous avons à faire à ces jeunes.

D’autre part, ces rapports, pour sérieux qu’ils soient, parlent peut-être la langue de bois (je ne sais toujours pas comment on dit ça en anglais).

En classe, nous avons des jeunes en grande souffrance. Mais j’ai confiance en eux. Ou plutôt, je veux avoir confiance en eux. Ceux-là ont appris depuis longtemps à résister à la douleur, à voler sous le radar comme on dit ici, à ne pas se faire remarquer. Ce sont des résilients, mais quelle sera leur porte de sortie?

Il n’empêche que je me pose des questions. Ici, tout doit être lisse. Par exemple ces rapports, bien que très inquiétants ne pointent rien qui remette en cause des habitudes de vie.

On nous demande de toujours être positifs. Et nous le sommes. Mais à la française:  avec les élèves, avec leurs parents, nous appelons quand même un chat un chat. Ce n’est pas comme ça qu’on est censé faire ici. Mais nous, en conscience, nous ne pouvons pas faire autrement. Paradoxe: parfois nous lisons des comptes-rendus sur des élèves en éducation spéciale et nous avons l’impression qu’ils sont plus brillants que les autres tellement ils font de progrès.

Nous devons les évaluer sans cesse et nous avons sur certains points le choix entre 3 options : E pour excellent, S pour satisfaisant et N/I pour  « a besoin de progresser ».

E pas de problème. Nous ne mettons presque jamais N/I pour ne pas casser le môme; du coup nous mettons S. Mais que peut comprendre le gamin ? Et ses parents ? S ça veut dire satisfaisant (satis en latin veut dire « assez »). Et bien si l’enfant en fait assez, pourquoi changer quelque chose, pourquoi s’affoler ?

Mais tout a un terme. Quand pendant tout une carrière scolaire l’élève a entendu que ça allait et qu’on finit par lui dire qu’il ne peut faire ni ça, ni ça et que finalement c’est loin d’être satisfaisant, comment peut-il réagir ?

Ce sera le cas dès l’année prochaine pour certains 6èmes qui n’ont pas un niveau suffisant en lecture et qui seront dirigés vers les Reading classes; le système pour le coup est assez bien fait puisque l’accent pour eux sera mis sur la lecture; dans le même temps  global, ils passeront plus de temps à lire et à combler leurs lacunes; c’est très bien pour eux mais ça leur barre la porte pour des activités bien plus rigolotes. Et surtout, c’est la première fois qu’il y a pour eux une véritable barrière; ils ont pu déjà être aidés dans des Reading groups en élémentaire mais ça ne leur a rien interdit jusque là.

Même chose pour les maths : ils passeront des tests envoyés par la Middle School (ce que nous appelons « collège » et ensuite la Middle Scool fera sa sélection et son orientation. Et même si on leur a toujours dit qu’ils étaient supers, qu’ils progressaient beaucoup, à ce moment-là, se feront des choix qui ne seront pas forcément ceux de la famille ou de l’élève.

Les limites à être tout le temps positif…

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Etre positif, c’est bien. Ce n’est pas moi qui vais dire le contraire.

Mais ne faudrait-il pas être positif, ET réaliste ?

3 commentaires sur “Utah, le pays rêvé ?

  1. Merci pour ces remarques, particulièrement utiles pour les pédagogues. Sans aller dans les mêmes excès qu’en Amérique, les sciences de l’éducation nous ont entraînés durant des années dans les mêmes directions. Par exemple, en supprimant le dispositif des évaluations CE1 et CM2, on a empêché les élèves et les maîtres de savoir précisément, non pas où ils en sont, mais où ils pourraient en être. L’émulation est nécessaire : se comparer à l’autre, non pour être forcément meilleur que lui, mais pour être meilleur que soi-même.

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  2. Et pourtant l’Utah est le 10 ème meilleur endroit pourvivre aux Usa ce qui n est pas si mal.
    https://realestate.usnews.com/places/rankings/best-places-to-live

    J ‘ai , malheureusement, une autre piste pour le mal-être des gens de l’Utah. En formation, nous avons vu que 1/4 des filles seraient victimes d’abus sexuels avant ses 18 ans et 1/6 des garçons. Effrayant, non! C’est 3 fois le taux des USA…alors les suicides, bien ce n’est pas étonnant.

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