Mark, the mourning cowboy

Novembre 2017

Antelop Canyon

Encore un endroit où j’avais envie d’aller tellement c’est beau.

Mais…

Encore un « mais » !!!

Mais arrivés sur place, bien que nous soyons au mois de novembre, les parkings pleins. Avec des hordes de touristes et même des mariés, sur place pour les photos de mariage…

Après le calme et la sérénité de Monument Valley dont nous arrivions, impossible !!!

Pas du tout envie de nous agglutiner avec le touriste dans le dos, tellement près que tu sens son haleine chaude dans ton cou et celui de devant dont tu n’arrêtes pas de heurter les talons.

Et je n’ose pas imaginer en été !!!

Voilà quand même quelques photos de l’endroit que nous ne verrons probablement jamais pour de vrai.

Du coup, nous fuyons la foule, le bruit, les moteurs, les claquements du tiroir-caisse…

Nous fuyons et en passant, nous décidons de nous arrêter au beau promontoire qui domine le lac Powell.

Arrivés là, sur le parking, une très vieille Lincoln et surtout sur le capot, un type incroyable; en short délabré, la face burinée, la dentition délabrée autant que le short mais ici, il est toujours facile d’engager une conversation.

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Nous parlons du beau temps, de la température agréable, du Lake Powell, du temps d’hiver ici aux confins de l’Arizona et de l’Utah, et puis nous allons voir le panorama, toujours aussi grandiose.

De retour, il est toujours là, juché sur sa vieille Lincoln de 1996.

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Je le hèle. Je l’appelle « Light Seeker », le chercheur de lumière.

ET les portes s’ouvrent.

Ses portes s’ouvrent.

Et les nôtres aussi.

Il pense à son cheval.

Son compagnon.

Sa part de lui-même.

Son cheval, très vieux, 34 ans, au bout du rouleau, malade atteint du cancer, qu’il ne montait plus depuis quelques années et qui avait été son compagnon de route et de travail pendant plus de 20 ans.

Son vieux compagnon qu’il a dû abattre lui même, seulement quatre jours plus tôt.

Et Mark est là, juché sur le capot de sa vieille Lincoln, qui l’accompagne depuis plus de 20 ans elle aussi.

Il est là, à mesurer sa peine, à contempler ces espaces qu’il a tous parcourus avec son vieux compagnon, à rassembler ses vaches éparpillées sur des acres et des acres de terrains sauvages.

Mourning…

En train de commencer son deuil.

Ses larmes ne sont pas loin. Envie de le serrer dans les bras. De lui faire ce hug fraternel. Je n’ose pas. Je ne le fais pas.

Je ne me souviens plus de nos mots mais nous n’essayons pas de le réconforter. Quels mots pourraient ? Nous le rejoignons dans son deuil à peine commencé. Nous lui souhaitons de rester en lien avec ce vieux cheval aimé. Il nous tend sa main. Une grosse main dans laquelle la nôtre se perd.

Nos regards se croisent.

Pas besoin de mots.

Nos pensées l’accompagnent sur ces terres que nous commençons à un tout petit peu connaître, en tout cas plus familières.

Nos pensées t’accompagnent Mark.

Tu nous souhaites « a safe trip ». Toi aussi Mark, que ta route soit sauve.

Nous reprenons la route.

Nos regards se perdent au loin. Les collines défilent.

Un texte d’Ernest Hemingway me revient, surgit de ma mémoire. Un texte qui parle d’un combattant qui sait qu’il va mourir. C’est dans « Pour qui sonne le glas », sur la guerre d’Espagne. Mark n’en est pas là mais son cheval est mort.

« S’il avait su combien d’hommes, dans l’histoire, avaient dû mourir sur une colline, cela ne l’aurait nullement consolé, car, aux minutes qu’il traversait, les hommes ne sont pas plus impressionnés par ce qu’il est arrivé à d’autres dans des circonstances analogues, qu’une veuve d’un jour ne trouve de réconfort dans la pensée que d’autres maris bien aimés sont morts. Qu’on en ait peur ou non, il est difficile d’accepter sa propre fin. Sordo l’avait acceptée, mais il n’y avait pas d’apaisement dans cette acceptation, même à cinquante-deux ans, avec trois blessures, et sur une colline encerclée.
Il en plaisantait en lui-même, mais il regarda le ciel et les lointains sommets, il avala le vin, et il constata qu’il n’avait aucune envie de mourir. S’il faut mourir, songeait-il, et c’est clair qu’il le faut, je peux mourir. Mais je déteste ça.

Mourir n’était rien et il ne s’en faisait aucune peinture terrifiante. Mais vivre, c’était un champ de blé balancé par le vent au flanc d’un coteau. Vivre, c’était un faucon dans le ciel. Vivre, c’était une cruche d’eau dans la poussière du grain battu et l’envol de la balle. Vivre, c’était un cheval entre les jambes, une carabine dans les fontes, et une colline, et une vallée, et un ruisseau bordé d’arbres, et l’autre bord de la vallée avec, au loin, d’autres collines. »

2 commentaires sur “Mark, the mourning cowboy

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