USA et le culte du héros

Après la nouvelle tuerie de masse en Floride, reviennent les mêmes questions, les mêmes discours, les mêmes prières, les mêmes atermoiements, les mêmes drapeaux à mi-mât.
Parmi les « solutions » avancées, il en revient une qui permettrait de ne rien changer ou presque : et si les enseignants ou le principal avaient été armés, est-ce qu’ils n’auraient pas pu arrêter ce fou ?
Parce que, comme d’habitude ici dans les commentaires de nombres de politiques,  le problème ne peut évidemment pas être la prolifération des armes. Le problème ne peut pas être que cet individu ait pu se procurer tout à fait légalement cette arme. (Pour rappel, la consommation d’alcool est interdite en dessous de 21 ans en Utah pour protéger la jeunesse MAIS il est légal d’acheter une arme semi automatique en dessous cet âge.)
Non, le problème, c’est la folie. Uniquement la folie.
Ici l’American Heroe envahit les écrans, les jeux. Il sauve des millions de fois par jour la planète, l’American Way of Life, la veuve et l’orphelin, la liberté. Sans doute, tant qu’à faire, pourrait-il sauver aussi les élèves de tous les fous…
Les américains ont leurs héros mais ils ne sont pas les seuls à avoir leurs héros.
Comme tous les gens du monde, et en particulier comme tous les jeunes du monde, ils ont affaire avec quantité de héros dans les films, les jeux, les lectures…
Mais quel est ce héros ?
Il serait intéressant de leur demander quelle représentation ils ont du « héros ».
Il y a fort à parier que ce héros est a minima
– très puissant physiquement
– inoxydable (il en prend plein la tête mais ça va toujours)
– plutôt intelligent et plein de ressources
– sans doute très beau
– vainqueur des « méchants »
Pour moi, l’archétype même du « faux héros ».
Un héros, c’est quelqu’un qui fait envie, à qui on a envie de ressembler. Et certes, ils ont sans doute envie de ressembler à ces héros-là.
Est-ce possible de devenir ces héros-là ?
Non bien sûr
Trop inatteignables comme héros
heros
Alors et les héros de contes ? ou d’épopées ?
En quoi sont-ils intéressants ?
Déjà, dans beaucoup d’histoires  ne sont que les plus petits, les moins malins (en apparence), ceux dont on dirait au départ qu’ils ont le moins de chance de succès. Et pourtant…
Ces types de héros minuscules, non seulement disent que n’importe qui peut être un héros, mais que les bannis, les faibles, dont ils sont une allégorie, peuvent avoir leur revanche sur les puissants.
Et souvent, ils tirent leurs « pouvoirs » de leurs qualités propres; souvent ils rencontrent quelqu’un à qui ils rendent service et reçoivent quelque chose en échange. Et ce n’était pas facile de faire ça: donner son dernier morceau de pain, à une vieille femme très laide, ce n’est pas évident.
De plus, dans les histoires, ce sont les seuls à faire ça; leurs prédécesseurs avaient les mêmes opportunités mais ils ne les ont pas saisies.
Comme dans toutes les histoires, ils vivent plusieurs épreuves et s’en sortent pour partie seulement avec les pouvoirs magiques gagnés lors des rencontres. La principale des épreuves est toujours la même : se vaincre soi-même : vaincre son égoïsme, sa peur.
Est-ce que les héros de films font montre de ces qualités ? A ma connaissance pas souvent.
Du coup, ce type de héros est atteignable; on peut lui ressembler.
Il y a aussi les super héros, ceux des épopées.
Alors eux sont très puissants pour le coup.
Je pense à Ulysse ou à Gilgamesh.
Mais eux aussi sont des héros atteignables, non pas pour leurs pouvoirs ou leur force mais pour leur humanité.
Gilgamesh au fond est un sale type, qui ne pense qu’à montrer sa force en défiant les dieux mais la mort d’Enkidu va le toucher au plus profond de lui-même : il va refuser la mort de son ami et faire tout ce qu’il peut pour vaincre la mort; et il va perdre ce combat.
C’est un véritable héros quand il devient humain, quand il n’est plus tourné uniquement que vers lui-même, quand il a de l’affliction, quand au lieu de chercher à se venger, il est tourné vers son compagnon défunt.
On peut ressembler à Gilgamesh sur cette partie-là.
Dans un tout autre registre, il y a le Christ, qui est une tout autre sorte de héros pour une partie des humains.
De par sa nature divine, il pourrait avoir des super pouvoirs.
Mais dans son histoire, il aura à vaincre la tentation d’échapper à son destin, à la souffrance, à la mort.
Dans son histoire, il aura peur.
C’est sa part d’humanité qui fait invitation à lui ressembler pour qui croit en lui.
Et sans doute qu’il existe d’autres histoires semblables avec des héros tellement humains qu’on peut tenter d’être comme eux.
Quoi de plus normal que de chercher dans les héros quelqu’un à qui s’identifier.
Alors attention à ne pas se tromper de héros.
Qu’est ce que pourrait-être un héros d’aujourd’hui ?
Peut on considérer par exemple qu’Emma Gonzalez, la jeune rescapée de la tuerie de masse en Floride qui a pris la parole contre Trump et contre l’establishment pro guns est une héroïne ?
Pour plus de détails sur cette jeune femme et sa prise de position, consulter cet article sur Libération :
Fusillade en Floride: Emma Gonzalez, la lycéenne qui veut «changer la loi» sur les armes
http://www.liberation.fr/planete/2018/02/18/fusillade-en-floride-emma-gonzalez-la-lyceenne-qui-veut-changer-la-loi-sur-les-armes_1630595

5 commentaires sur “USA et le culte du héros

  1. Cher Alain,
    J’ai dû ne pas bien tout comprendre de ton propos. Par exemple, cette phrase : « Parce que le problème n’est évidemment pas la prolifération des armes ». Même si le culte des héros est pour quelque chose dans les tueries, le simple fait d’interdire les armes semi-automatiques ferait considérablement baisser le nombre de victimes.
    En ce qui concerne ton analyse sur les héros, je la partage. Les héros sont là pour nous donner plus d’humanité : par le Christ un Dieu se fait homme, le petit Poucet compense sa petitesse par sa sagacité, la Belle trouve son Prince charmant dans la Bête parce qu’elle a su aimer par-delà les apparences, Ulysse triomphe de nombreuses épreuves par des qualités humaines, etc. Mais, pour en rester à l’Amérique, il y avait des héros qui étaient des « types », avec des incarnations fort diverses. Je pense aux conquérants du Far-West et aux pauvres qui deviennent riches par eux-mêmes. Ils pouvaient être durs et violents mais ils restaient dans l’humanité. Ces « héros » semblent en voie de disparition. Ils le sont en partie seulement, car le dépassement de la « frontière » est toujours un mythe américain (conquête de l’espace par exemple) et les jeunes ingénieurs américains à l’origine des start-up, pour devenir riches, ont dû plus compter sur leur facilité à manier des algorithmes que sur l’argent hérité. Il y a donc peut-être disparition de ces idéaux américains pour certains et pas pour d’autres. Les causes peuvent être nombreuses (pauvreté culturelle, perturbations psychologiques, etc).
    Et de nos jours? Tu as raison, Emma Gonzalez est au moins une héroïne d’un jour. On ne peut pas en dire plus car les héros sont construits par l’histoire et par la mémoire. En France aujourd’hui, la principale héroïne, Jeanne D’Arc, sera incarnée en 2018 par une jeune fille, métisse. Formidable symbole!
    En tout cas, et là je parle au pédagogue, je suis sûr que le trop de virtuel participe à la création de ces héros inhumains. C’est l’affrontement avec le réel qui nous libère. Lire l’Odyssée, chapitre après chapitre, au rythme de notre pensée, c’est une progressive libération ; voir défiler des images qui sidèrent l’esprit, c’est un enfermement.
    Amicalement
    Jean

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    1. Non Jean, tu avais bien lu mais comme souvent dans ce que j’écris, il manquait mon intonation et mes yeux qui disaient que je ne croyais pas une seconde à ce que j’étais en train d’écrire. J’ai donc modifié le paragraphe qui pouvait prêter à confusion.
      J’aime te lire aussi Jean. Toi et ton regard éclairé.
      Merci pour ta collaboration

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  2. Je partage vos réflexions mes amis ! ça fait tellement du bien de vous lire ! A mes yeux, oui, le vrai héros c’est celui qui apprend à mieux se connaître, à apprivoiser ses propres peurs, l’inconnu, l’autre dans toute sa diversité qui peut nous déranger, nous bousculer ! le vrai héros c’est celui qui sait se taire, ou s’affirmer quand tous les autres condamnent, se mettre en mouvement quand tous les autres fuient !
    Alors oui je veux rester optimiste et croire que le colibri (cf le colibri de P. Rahbi) est aussi un héros et que chacun d’entre nous pouvons en être un ! que nous avons été ou seront peut-être inspirés par un autre colibri et que nous avons sûrement été (ou serons) nous-mêmes des colibris qui ont inspiré (en inspireront) d’autres !
    En novembre j’ai eu la chance de voir un spectacle « Les ravis » de ce grand conteur M. Hindenoch où il fait l’éloge de tous ces ravis, ces oubliés, ces benêts parfois, ces simplets qui ont aussi changé la face du monde ! Je vous le recommande vivement !
    Des bisous

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