Le risque d’être un fan de Jacques Brel

Ma rencontre avec le Grand Jacques date de loin maintenant.

Pas à la maison.

On écoutait Brassens, mais pas Jacques Brel.

Je crois que c’était lors d’une colo de vacances où j’étais animateur.

Mais dès le premier instant, le coup de foudre pour ses textes, ses interprétations, cette façon unique de raconter une histoire en 3 minutes.

Plus tard, en tant que conteur, il m’a servi de maître également, pour mettre de l’énergie dans mon racontage et des variations dans le débit, dans l’intensité, dans le volume, dans l’intention.

Un de mes maîtres

Il est même présent dans ce blog quand un endroit, un moment, un paysage m’évoque une de ses chansons.

Il est donc très présent en moi.

Trop !

Trop peut-être.

Le problème avec un maître, c’est de rester soi-même; recevoir de lui ce qu’il a à donner sans devenir son clone. Je sais, ce que je dis peut paraître prétentieux, mais qu’on se rassure je ne veux pas me mesurer au Grand Jacques.

Encore moins dépasser le maître.

Néanmoins, il est et reste une référence pour moi.

Et certes nombre de ses chansons m’inspirent.

Mais pas que les chansons.

Les films aussi.

Et récemment, c’est un film qui m’a inspiré, si je peux dire.

Non, ce n’est pas « La Gifle ».

C’aurait pu être « L’aventure, c’est l’aventure », mais en beaucoup moins drôle et uniquement à cause du titre.

Non, le film en question, c’est …

C’est …

« Les risques du métier »

Ah, nous voulions de l’aventure en venant ici aux USA… et bien j’en ai !

J’ai choisi cette photo de Monument Valley pour vous annoncer une nouvelle monumentale elle aussi.

P1150367.JPG

Voilà l’histoire

Depuis hier, je viens de me voir signifier l’interdiction d’enseigner face aux élèves jusqu’à la fin de l’année.

J’avais reçu au début de nos vacances un mail du Principal disant que 3 élèves et leurs parents m’accusaient d’inconduite en classe, soit 6 ou 7 jours après les soit-disant faits.

J’aurais traité publiquement plusieurs filles de « chiennes comme vous « .
Et j’aurais de façon réitérée frappé les mains de plusieurs filles et je les aurais même cinglé avec une règle.

Ce qui s’est passé (réellement) :

Nous étions en français et une fille avait mal prononcé un mot.
Je ne sais plus lequel mais ça pouvait prêter à confusion avec un mot vulgaire proche.

J’ai donc expliqué en prenant un exemple en anglais :

Beach la plage qui se prononce bi i ch

Et bitch chienne mais au sens d’insulte qui se prononce bi t ch

Les élèves ont réagi parce que j’avais prononcé un gros mot.

Et c’est tout.

Jamais je ne me serais permis de dire :
« Bitches like you »
Comme m’en accusent 3 gamines et comme ont semblé corroborer d’autres élèves, à ce qui m’a été rapporté par le principal.

Quand se permet-on de prononcer des insultes (et encore pas tout le monde) ? Quand on est en colère  ou quand on veut faire de l’humour (de bas étage) ?

Je n’étais pas en colère contre qui que ce soit.

J’ai une trop haute idée de l’humour. Ça ne pouvait pas être de l’humour.

Si j’avais vraiment dit ça et tapé les élèves, le principal aurait eu une avalanche d’appels et de plaintes. Immédiatement.

Ce qu’il n’a pas eu.

Mais ce point n’est pas rentré en ligne de compte.

Aucune remise en question face à cet argument.

Ici, seule la parole des enfants compte.

Cool

Quand j’ai dit qu’ils pourraient vérifier la légitimité de la parole de cette gamine en interrogeant des adultes cette fois, les anciens professeurs, il m’a été répondu qu’ils seraient contents de faire ça mais que, quoi qu’il en soit, la décision était déjà prise.

Bon mais pas d’inquiétude quand même.

Ça va aller.

Incroyable le pouvoir qu’ils donnent aux enfants et aux familles ici.

On nous l’avait dit avant de partir mais on ne comprend les choses qu’au travers du prisme de ce qu’on connaît. Il nous était impossible de mesurer à quelle hauteur c’était.

Le plus dur ça va être pour Linda de tenir les 4 semaines qui restent.

De d’investir malgré tout.

Pas pour Fox Hollow.

Mais pour les petits élèves.

Et pour finir, je vous relate l’entretien de ce matin de rentrée.

Je l’avais préparé
J’avais aussi appelé mon collègue George la veille.

Les consignes étaient drastiques : je ne devais pas pénétrer dans le bâtiment avant 8h00; je devais aller directement à l’endroit où était prévue l’entrevue; je ne devais parler à personne…

Comme l’avait prévu George, la décision était déjà prise.

Ils m’avaient condamné avant de m’entendre.

Paraît-il, des gamins avaient corroboré ce que la gamine avait dit.

Et parait-il, ils avaient posé des questions ouvertes.

J’ai pu dire ce que j’avais à dire, mais ça n’avait aucune importance.

Ils m’ont donné 3 choix
Être licencié
Démissionner
Ou fournir les lesson plans au substitute, et être payé, parce que dans ce cas je continuerais à travailler pour Jordan District.

J’ai hésité
Et puis j’ai choisi la dernière option
Elle me coûte
Mais je peux ne fournir que les grandes directions.

Mais bon, rien de grave au fond.

Je ne suis pas un enseignant américain en milieu de carrière avec des tas d’emprunts sur le dos et qui donc, doit durer coûte que coûte.

Honnêtement, il m’aurait été difficile de me retrouver face à ces élèves-là.
Donc pour moi c’est mieux comme ça.

Je suis semi-retraité.

Je crois rêver.

Avant de partir, j’ai laissé les notes que j’avais prises pour me défendre.
Ça ne servait à rien
Mais j’avais dit ce que j’avais à dire
Et surtout, je n’avais pas baissé le front.

En 42 ans de carrière, je n’avais jamais connu ça. Ça complète ma connaissance du système éducatif.

Je voulais de l’aventure, j’en ai.

Pas de bile.

Je vais rebondir.

J’ai déjà rebondi.

 

11 commentaires sur “Le risque d’être un fan de Jacques Brel

  1. Bonjour Alain
    Dur, surtout quand on ne peut pas se defendre!
    Ça me rappelle l’an passé quand nous avons abordé les élections presidentielles en classe. Il m’était revenu aux oreilles que des enfants auraient affirmé que j’avais vanté les mérites de Marine! Comme quoi ils n’avaient rien compris hormis que j’avais prononcé un « gros mot »: Le Pen! L affaire n’est pas allée plus loin mais j’aurais aimé redire à ces enfants dont j’ignore toujours desquels il s’agit que citer les noms des candidats n’a rien à voir avec du prosélytisme!
    Dommage que ton expérience américaine se termine sur cette fausse note!
    Bises
    Armelle

    J’aime

    1. Ça complète l’expérience professionnelle
      En 42 ans de carrière je n’avais pas eu à faire face à ce type de situations
      Toutefois, si c’est possible, ça suffira comme ça
      Je commenterai sous peu sur le blog

      J’aime

    2. Métier difficile…
      Tellement de risques de mauvaise interprétation de ce qui a été dit
      Quand ne s’ajoute pas la volonté de nuire

      J’aime

  2. Les ricains c’est comme les cochons
    Plus ça devient vieux plus ça devient bête
    Les ricains c’est comme les cochons
    Plus ça devient vieux plus ça devient c-

    J’aime

  3. Hello Alain
    Bastien nous parle parfois, très spontanément, du plaisir qu’il a eu à t’avoir comme prof, de comment tes cours étaient passionnants et stimulants. Et je crois savoir que ce sont des années où il a été remis en cause en profondeur. Merci à toi de l’avoir aidé à grandir. Et bon, pour le reste… chienne de plage !
    On t’embrasse et on vous attend.
    Philippe et Isabelle

    J’aime

  4. Cher Alain,

    Ce petit mot pour te faire part de toute ma sympathie par rapport à ce qui t’arrive. C’est révoltant dans le principe et, encore plus, quand on te connaît. Tu seras allé au bout de ton aventure américaine. Il est dommage qu’elle se termine par ce mauvais côté de cette culture. Heureusement, tu sembles bien réagir car le scandale de l’injustice peut abattre un adulte, même expérimenté, même avec sa conscience pour lui.

    Avec toutes mes amitiés.

    Jean

    J’aime

    1. Merci Jean

      Tu t’en doutes ça m’a appelé plein de réflexion dont je ferai part sur le blog

      J’ai même fait l’objet d’un dépôt de plainte, de la part du Principal.

      Mais heureusement la police a été plus clairvoyant que lui et a classé l’affaire sans suite.

      Merci Jean

      J’aime

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s