Je me serais bien passé de jouer à Jacques Brel…

Désolé pour mon long, long silence que je commence seulement à comprendre

Une amie m’a fait part de sa « sidération ».
C’est le bon mot.
Et de son étonnement par rapport au pouvoir démesuré des parents, ici, elle a raison.
Elle me demandait si j’éprouvais de l’amertume.
Oui ! Evidemment oui !
Je pense que ces enfants, et peut-être ces familles, qui ont menti, vont garder ça en eux.
En fait je n’appelle pas ça de mes voeux, je m’en moque, mais c’est une possibilité.
Surtout pour des gens qui vont tous les dimanches à l’église, et entendent vraisemblablement parler régulièrement de péchés…
Mais ce n’est pas mon problème, c’est le leur.
Comme toujours pour moi, ma première réaction a été : « Même pas mal ! »
ET puis en fait si !
Ça fait mal.
Même si la police (il y a eu enquête) a conclu que je n’avais rien fait de répréhensible, je suis resté quand même écarté de l’école. Discrimination inexplicable sur le moment.
En fait ici, école et police, ça n’empiète pas l’un sur l’autre. En tout cas, pas là.
J’ai fini par comprendre que 2 familles avaient décidé de me nuire, en s’appuyant sur les dires de leurs enfants.
Et tout ça pourquoi ?
Parce que je n’avais pas traité leurs petites chéries comme des princesses, parce que je leur ai donné la même place qu’à tous les autres, et ce depuis le début de l’année.
Certainement sans doute, contrairement à ce qu’avaient fait mes prédécesseurs.
Dans toute ma carrière, et dans toutes mes classes, je n’ai jamais eu ni prince, ni princesse. En principe, depuis la Révolution Française, les privilèges ont disparu.
Normalement…
En tout cas dans mes classes, oui !
Mais, comme m’a dit un collègue franco-américain : c’est le choc culturel. On ne peut pas l’éviter, et pas toujours le comprendre.
Donc ces 2 familles ont porté plainte contre moi. En fait, le Principal a porté plainte contre moi ! Les 2 familles ont témoigné et surtout ont fait témoigner leurs enfants. Comme ça leur paraissait sans doute un peu faible, elles ont même réussi à convaincre une autre famille de se joindre à elles; une maman avec qui c’était très cordial jusqu’au vendredi qui a précédé le dépôt de plainte le mercredi suivant.
C’est un peu du style : « Ah oui, je viens de me rappeler que ma fille était en souffrance… »
Dans cette histoire, tout est un peu hallucinant :
– la principale accusatrice est une menteuse extrêmement habile; ça m’amusait de la voir mentir avec autant d’habileté, même prise en flagrant délit. Et je trouvais même drôle de voir à quel point elle était capable de croire à ses propres mensonges. Je dois convenir qu’elle ne me fait plus vraiment rire.
– deux soeurs qui ne sont pas mal non plus; imaginez la scène : vous avez un instit qui explique à toute la classe qu’il faut en français, comme en anglais, être attentif à la prononciation des mots qui peuvent être entendus dans un sens totalement différent et potentiellement offensant; et d’un seul coup, alors qu’il n’est ni en colère, ni prêt à faire de « l’humour » style Lagaff, voilà qu’il aurait publiquement traité les deux sœurs, l’une devant lui et l’autre au fond de la classe, de « chiennes comme vous »…
Quel que soit l’endroit du monde, ça aurait dû déclencher un énorme scandale. Tout de suite. Pas presqu’une semaine plus tard.
Or, il n’y a pas eu de scandale. Personne n’a appelé le Principal.
– j’aurais, paraît-il, tapé des enfants, et attention, suffisamment fort pour que ça fasse du bruit, et ce, de façon répétée dans le temps.
Quel que soit l’endroit du monde, mais spécialement ici, ça aurait dû déclencher un énorme scandale. Et immédiatement.
Il n’y a pas eu de scandale. Personne n’a appelé le Principal. Jamais.
– j’ai donc été convoqué; le Principal et la sous principale m’ont assuré qu’il y avait des évidences contre moi. Ce qui est incroyable, c’est que les prétendues évidences sont les témoignages d’enfants à charge, dont les parents n’ont ni remis en cause la crédibilité, ni cherché à me contacter ou me rencontrer.
ET, cerise sur le gâteau, il n’y a pas eu de témoignages contradictoires d’autres enfants.
La manière de collecter des évidences ici est assez étrange. (en pendant les vacances…)
– oralement, mais privativement, le Principal était totalement d’accord avec moi et la police que c’était un peu bizarre qu’il n’ait été alerté de rien immédiatement après ces prétendus événements.
Cela ne l’a pas empêché de porter plainte contre moi auprès de la police.
Et, fait incroyable, parmi les 3 propositions qui m’ont été faites, de me donner la possibilité de rester chez moi et d’être payé, à condition que je fournisse les préparations pour le ou les remplaçants.
C’est pas incroyable ça ?
Dans un pays où les gens ne sont pas protégés professionnellement, alors qu’il pense qu’un de ses enseignants a vraiment fait n’importe quoi dans sa classe, des choses vraiment graves, un supérieur hiérarchique direct ne le licencie pas purement et simplement immédiatement…
Où est la logique là-dedans ?
Je pense qu’il a été pris entre deux possibilités contradictoires :
– soutenir son enseignant contre des accusations absurdes et ne tenant pas la route à l’observation des faits.
– accéder à la demande de 3 familles, plutôt très puissantes sur l’école (même communauté religieuse, une employée de l’école et la présidente de la très puissante association de parents d’élèves)
D’un côté, un petit instit, français, sur le départ pour rentrer chez lui.
De l’autre, des gens très agressifs, très puissants, qui restent…
Le calcul n’a pas été long à faire.
Sacrifié le petit français, mais malgré tout, avec la possibilité de continuer à être payé, en dehors de la présence des enfants, s’il continue à s’occuper du programme…
Et là, bien sûr, la lâcheté.
Ça ne m’a pas vraiment surpris de sa part. Je l’en savais capable auparavant.
Mais, en 42 ans de carrière dans ce métier, la lâcheté, j’ai déjà rencontré. Souvent. De toutes parts. Même la mienne. Même si je l’ai combattue après, ça m’est arrivé.
L’humanité est comme ça.
Parfois non.
Rarement.
Dans un premier temps, même si j’ai compris tout ça, j’en ai pris mon parti, et même, j’ai essayé d’y voir un avantage; un peu fatigué de ces enfants, ultra gâtés qu’il faut toujours tirer, pousser, qu’il faudrait sans cesse récompenser avec des bonbons, chose que je me suis refusé à faire toute cette année. Ce n’était et ce n’est pas si mal de ne plus les avoir en face, surtout après ça.
En fait, je me suis surtout réfugié dans le silence. J’ai tardé à répondre aux messages de sympathie que j’ai reçus après ma dernière parution sur le blog.
Signe que je n’étais pas si bien que ça avec cet événement. Que je ne suis pas si bien que ça.
Un ami anglais, enseignant et directeur d’école lui aussi, m’a dit de ne pas considérer cela comme un événement de ma carrière; ma carrière n’a pas été ici; il m’a conseillé de considérer cela comme un événement de vacances.
Il a raison.
Mais ce n’est pas facile.
Et pas facile non plus de fournir des préparations sans savoir comment réagissent les enfants au travail proposé. D’autant moins facile qu’ici, nombre de remplaçants ne sont que des imitations d’enseignants : ils distribuent les feuilles d’exercices, les ramassent, et souvent ne corrigent même pas…
Bref…
Je vais arrêter de faire mon Caliméro.
Il y a bien d’autres choses qui pourraient arrêter le monde.
Et l’aventure continue.
Et le côté salutaire, c’est que ça va m’aider à décrocher rapidement du métier. J’ai d’autres choses à faire que ça.
Le conte ?
Bien sûr

Avec plaisir et passion

Juste avant ça nous avons fait un fantastique voyage jusqu’au Nouveau Mexique. Plus exactement, nous avons voyagé dans ce qu’on appelle ici, the Four Corners.
Four Corners – Les 4 coins
Comme on peu s’en douter, ici, ce ne sont pas les rivières qui ont dessiné la carte…
four-corner 03
Voyage magique
Qui me fait toujours rêver la nuit
Et chose que nous n’avions ni prévue, ni recherchée, rencontre avec les Natives Americans
Magnifique rencontre.
Je mets des photos et des articles sur le blog dès que possible.
Merci encore pour votre soutien.
Maintenant hâte de vous voir.
Bises et hugs
A bientôt
Alain (et Linda)

4 commentaires sur “Je me serais bien passé de jouer à Jacques Brel…

  1. Je trouve que tu as bien du courage. Je pense que moi, j’aurais demandé licenciement ou démission (le + avantageux). Et ta femme doit aussi avoir un moral d’acier…
    Chapeau bas à tous les deux et bon COURAGE!!

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    1. Parfois je me dis que oui Parfois je me dis que non Parfois je me dis « Termine correctement ce que tu as commencé » et d’autres fois, c’est plutôt « Mais qu’est ce que tu t’embêtes avec ça ? »
      Les arcanes de l’âme humaines. ..

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  2. Merci pour ce billet, intéressant et « en même temps » édifiant !!! Comment accepter une telle injustice ? Ces personnes sont plus à plaindre qu’autre chose (je sais, facile à dire quand on n’est pas directement concerné par leurs agissements) ! Courage pour la suite.

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  3. Que c’est difficile de terminer sur cet « épisode » profondément injuste et révoltant…
    Mais effectivement, ce n’est pas celui-ci qui devra te rester en tête… il y a eu tant d’autres marques par ailleurs de reconnaissance de ton travail et de ta bienveillance! Tu peux garder la tête haute…
    Courage!

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